Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes volume 84
Fascicule 1
- 176 pages
- Livre broché
- 16.1 x 24 cm
- Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes
- Parution : 25/06/2012
- CLIL : 3146
- EAN13 : 9782252038604
- Code distributeur : 41323
Présentation
RÉSUMÉS
Alain BLANC. – Sur les composés apparentés à βλαστός « jeune pousse, bourgeon », βλαστάνω « pousser, bourgeonner », et sur leurs formes de gradation
Pour exprimer l'idée de « pousser, bourgeonner », le grec ancien emploie deux séries de composés nominaux, en -βλαστος et en -βλαστής. Pourquoi y a-t-il deux séries et y a-t-il entre elles une différence de sens ? On tente de montrer que les composés en -βλαστος reposent sur le substantif βλαστός « bourgeon », tandis que les composés en -βλαστής se relient directement à la racine du verbe βλαστάνω. On parvient à dégager une différence sémantique : -βλαστος indique la présence de bourgeons, tandis que -βλαστής indique la possibilité d'accomplir l'action de bourgeonner. Il arrive que l'opposition entre les deux catégories soit neutralisée. Cette neutralisation résulte de l'impossibilité phonétique de créer des formes de gadation pour les composés à thème -βλαστέσ-.
Marie-Thérèse CAM. – Taleae, rugula, deux métaphores pour l'anatomie du cheval chez Végèce, mulom. 3, 1 et 2
Végèce emprunte à un traité latin anonyme, perdu, ses notices anatomiques au début du livre 3 des Digesta artis mulomedicinalis. Dans les chapitres 1 (décompte des os, anatomie interne) et 2 (mensurations des régions du corps d'un poulain, anatomie externe) apparaissent deux termes que la tradition manuscrite a transmis diversement et qu'il faut restaurer : l'un nomme sans conteste la scapula, l'autre le bord supérieur de l'encolure mesuré du toupet au garrot. Rugula désigne la « légère fronce » dessinée à la surface de l'épaule par les muscles propres à la scapula ; taleae, les « taillis », les « pousses » sont les crins, entretenus, taillés, rasés, tondus sur la nuque. Végèce a conservé ces métaphores du jargon des éleveurs, hapax d'emploi.
Pierre CHIRON. – Les côla en rhétorique : respiration, sens, esthétique
Dans cet article, nous décrivons la naissance et l'évolution des emplois rhétoriques du mot grec côlon (membre de phrase). Le côlon, diversement défini en lui-même et par rapport aux autres découpages de la chaîne parlée que sont le comma, la période et – plus tard – le pneuma, occupe une place centrale dans des théories dont nous essayons de montrer l'intérêt et l'importance en termes de physiologie, de sémantique, d'argumentation et d'esthétique.
Éric DIEU. – L'étymologie de l'adverbe grec νόσϕι
Le mot grec νόσφι, adverbe ou préposition signifiant « loin (de), à l'écart (de) », se trouve fréquemment employé, dans l'Iliade, dans des contextes qui suggèrent un éloignement par rapport à une réalité hostile, dangereuse, ou simplement pénible. Après un examen des emplois de νόσφι dans les poèmes homériques, on s'efforce de montrer que cette situation ne doit pas être due uniquement au contexte guerrier de l'Iliade, mais qu'elle a des chances de refléter le sens originel de ce terme ; et l'on s'interroge alors, dans le prolongement d'analyses étymologiques avancées récemment par Jean-Victor Vernhes et Rossana Stefanelli, sur l'idée d'un rattachement de νόσφι à la racine indo-européenne *nes- « revenir sain et sauf », qui est notamment attestée, en grec, dans des formes comme νέοµαι « revenir (sain et sauf) » et νόστος « (bon) retour ».
Marie FORMARIER. – Modéliser le rythme « haché » de Cicéron : propositions et perspectives
Dans l'Orator, Cicéron consacre une large réflexion à la question du rythme oratoire (numerus) et distingue en particulier le rythme de la période et le rythme « haché » en incises et en membres. Notre objectif ici est de rendre compte, autant que possible, de la spécificité de ce dernier et de proposer un modèle d'analyse qui conjugue les données de la théorie cicéronienne à la rigueur scientifique mise en œuvre notamment dans les recherches menées par J. Dangel. Or, l'exemple du Pro Scauro, précisément donné dans l'Orator, permet d'évaluer les enjeux stylistiques et pragmatiques du rythme haché. La brièveté des segments, l'autonomie rythmique des mots, les figures de symétrie (concinnitas) et l'âpreté de la diction sont clairement corrélées à ¬l'expression de la véhémence. L'analyse détaillée permet, en outre, de comprendre en quoi le rythme « haché » renforce la valeur performative du discours d'accusation : les variations rythmiques (anacrouse, rythme suspensif et inversion de la dynamique levé/frappé) permettent de dessiner les lignes fortes de l'invective et de (re)donner à certains mots toute leur force interpellative.
Pierre SAUZEAU. – L'arc, une « lyre sans corde » ou bien « une lyre à une seule corde » ? À propos d'une énigme poétique grecque
Aristote cite, au livre III de la Rhétorique (1412 b 34 – 1413 a 21) un fragment poétique qui fait de l'arc une lyre akhordos. On ¬comprend généralement « une lyre sans corde », ce qui paraît absurde. Une autre explication fait de l'arc une « lyre à une seule corde ». C'est cette solution qui paraît préférable : l'expression serait une kenning, une métaphore énigmatique.
Benjamin STORME. – Sicilia amissa : syntagme nominal ou proposition subordonnée ?
Cet article s'appuie sur un exemple tiré de Quinte-Curce pour montrer que les séquences du type Sicilia amissa ou Ab urbe condita ne sont ni des syntagmes nominaux, ni des « constructions à participe dominant », mais des propositions subordonnées.
ABSTRACTS
Alain BLANC. – On the compounds related to βλαστός "sapling, burgeon", βλαστάνω "grow, burgeon" and their forms of gradation
To express the idea of “growing, burgeoning”, Ancient Greek employs two series of nominal compounds in -blasto- and in -blastés-. Why are there two series and why is there a difference of meaning between them? We try to show that the compounds in -blasto- lie on the noun blastós “burgeon”, whereas the ¬compounds in -blastés- are directly related to the stem of the verb blastánō. We manage to identify a semantic difference: -blasto- indicates the presence of burgeons, whereas -blastés- indicates the possibility of accomplishing the action of burgeoning. The opposition may be neutralised. This neutralisation results in the phonetic impossibility to create forms of gradation for the compounds with the stem -blastés-.
Marie-Thérèse CAM. – Taleae, rugula, two metaphors for horse anatomy in Vegetius, mulom. 3, 1 et 2
Vegetius borrows from an anonymous and lost Latin treatise for his anatomical notices found at the beginning of the third book of Digesta artis mulomedicinalis. In chapters 1 (number of bones, internal anatomy) and 2 (measurements of a foal's body parts, external anatomy) two terms appear that have been transmitted in various ways by the manuscript tradition, and which must be restored: one indisputably names the scapula, and the other names the upper side of the neck, measured from the forelock to the withers. Rugula designates the “small wrinkle” sketched in the shoulder's surface by the proper muscles of the scapula; taleae, the “copses”, the “sprout”, are the mane that is kept up, cut, shaven, and clipped on the neck. Vegetius has kept these metaphors from the breeders' specific language, hapax of use.
Pierre CHIRON. – The rhetorical côla: breathing, meaning, aesthetics
In this paper, we describe the birth and the evolution of the rhetorical uses of the Greek word côlon (member, clause of a sentence). The côlon, which has been defined in different ways in itself and in its relations with the other ways of marking out the unities of the spoken chain (comma – or chip, phrase –, period and – later – pneuma) plays a central role within theories the interest and the importance of which we try to show in terms of physiology, semantics, argumentation and aesthetics.
Éric DIEU. – The etymology of Greek νόσϕι
The Greek word νόσφι “far (from), away (from), apart (from)” (adverb or preposition) is frequently found in the Ilias in contexts implying that someone is or goes away from a situation which is hostile, dangerous or simply painful. After examining the instances of this word in the Homeric poems, we show that the warlike context of the Ilias cannot account alone for the uses of νόσφι in this poem; in fact, these uses probably reflect the original meaning of the word. We then ask ourself if νόσφι, according to recent etymologies advanced by Jean-Victor Vernhes and Rossana Stefanelli, can be linked to the PIE root *nes- “to come back safe and sound”, which appears, among others, in the Greek words νέοµαι “to come back (safe and sound)” and νόστος “(safe) return”.
Marie FORMARIER. – Model analysis of Cicero's “broken” rythm
In his treatise Orator, Cicero addresses the problem of oratory rhythm (numerus) and distinguishes the rhythm of periods and the rhythm “broken” in short clauses. In this paper, I elucidate the specificity of the “broken” rhythm and propose a model analysis which connects Cicero's testimonia and a scientific approach close to J. Dangel's one. Through the example of the Pro Scauro given by Cicero himself in the Orator, it is possible to understand how stylistics and pragmatics get involved into the “broken” rhythm. Short segments, rythmically self-sufficient words, figures of symmetry (concinnitas) and harsh elocution all take part in vehemence. Actually, rhythm increases invective performativity. Rhythmical variations (anacrusis, unstressed rhythm and reverse dynamics) frame the successive steps of the denunciation and give to words all their communicative function.
Pierre SAUZEAU. – The bow, a “stringless lyre” or a “single string lyre”? About a Greek poetical enigma
Aristotle (Rhetoric III, 1412 b 34 – 1413 a 21) quotes a poetical fragment in which the bow is said to be an “akhordhos lyre”, that is usually understood as a “stringless lyre” – which seems absurd. Another explanation would be the bow as a “single string lyre.” That solution seems preferable: the phrase would be a kenning, that is to say an enigmatic metaphor.
Benjamin STORME. – Sicilia amissa: nominal phrase or embedded clause?
In this paper, the author will show, using an example from Curtius, that strings like Sicilia amissa or Ab urbe condita are neither nominal phrases nor “Dominant Participle Constructions”, but embedded clauses.