Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes volume 82
fascicule 1
- 240 pages
- Livre broché
- 16 x 24 cm
- Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes
- Parution : 20/12/2010
- CLIL : 3146
- EAN13 : 9782252037188
- Code distributeur : 34900
Présentation
Eugenio AMATO. — Dion Chrysostome, or. LXXI (Sur le philosophe) : prologue d'un discours perdu Πρὸς Μουσώνιον ? (p. 7-16)
Tenue en général pour une dialexis parénétique dans le style de la philosophie populaire à dater de la période de l'exil de son auteur, le discours 71 de Dion Chrysostome est plutôt à considérer comme un prologue (προλαλιάω) incomplet, tiré d'un discours perdu que Dion avait prononcé très probablement à l'époque de l'empereur Vespasien.
Dominique ARNOULD. — Les prologues d'Euripide : à propos de ληκύθιον ἀπώλεσεν (Aristophane, Grenouilles, v. 1203 sq.) (p. 17-23)
L'examen de l'ensemble des prologues d'Euripide montre le goût du poète pour la clausule métrique que l'on appelle un lékythion (-u-u-u-). Il en découle que la plaisanterie d'Aristophane dans les Grenouilles signale, en réalité, des endroits où Euripide a manqué à son habitude, et dénonce a contrario ce qu'elle pouvait avoir de lassant.
Michel CHRISTOL. — Les Excerpta Vaticana de Dion Cassius, l'Histoire Auguste et la collégialité de la préfecture du prétoire après Plautien (205-217) (p. 25-45)
Après la disgrâce de Plautien, la préfecture du prétoire retrouve son organisation collégiale. Un passage des Excerpta Vaticana provenant de Dion Cassius (77, 4, 1a = III, p. 376, l. 22-26 Boiss.) indique qu'en 211, aux côtés de Papinien se trouvait Valerius Patruinus, qui périt avec lui. On retrouve la même information dans l'Histoire Auguste, Carac., 4, 2. Ils furent remplacés au début de 212 par Adventus et par Macrin qui, dans ce nouveau collège, tenait la seconde place.
Charles DELATTRE. — Une poétique de la rosserie : des anthologies antiques aux Silloi de Timon (p. 47-62)
Dans un perspective pragmatique, le rire n'est pas seulement un éclat spontané ou une simple réaction, mais peut être construit par une stratégie menée à dessein pour discréditer un adversaire. Entre les mains d'un maître de langage – poète, philosophe, etc. –, la rosserie, qui produit le rire d'un tiers, est une arme qui vise à détruire l'autre pour mieux se construire soi-même. Des anthologies de bons mots ont été composées a posteriori pour recenser des railleries et les réunir en dehors du contexte qui leur avait donné naissance, et des œuvres complètes ont été également élaborées sur le principe même de la rosserie. C'est dans cette perspective que nous proposons de relire les Silloi de Timon de Phlionte, avec un double point de vue : celui de leur auteur, sceptique qui utilise les ressources de la langue comique, en particulier la composition nominale et le jeu de mots, dans un cadre polémique, et celui de Diogène Laërce, lecteur et citateur abondant des Silloi, dont l'œuvre doxographique peut passer pour un reflet sérieux de celle de Timon.
Maurizio DEL FREO. — L'identité de l'e-qe-ta du cadastre de pa-ki-ja-ne (p. 63-69)
Dans le cadastre de pa-ki-ja-ne le total enregistré pour les o-na-ta (un type de parcelles de terrain) des e-qe-si-jo do-e-ro correspond à GRA 1 T 3 V4 (Ed 847), tandis que la somme des o-na-ta des a-pi-me-de-o do-e-ro se monte à GRA 1 T 1 (Ep 539.10-12). Apparemment, cette discordance empêche d'identifier l'e-qe-ta de pa-ki-ja-ne avec a-pi-me-de. Néanmoins certains savants ont développé des arguments en faveur de cette identification. Dans cet article on suggère que la coincidence du lieu de trouvaille des tablettes Eb correspondant à Ep 539.10-12 (Eb 1186, Eb 1187, Eb 1188) et de la tablette Ed 847 est un autre argument en faveur de cette hypothèse.
Frédérique FLECK. — L'épigramme I, 109 de Martial : un poème encomiastique ou satirique ? (p. 71-97)
L'épigramme I, 109 de Martial est-elle l'éloge convenu de l'animal favori d'un patron que l'on y a généralement lu ? Il nous semble, au contraire, que le génie satirique de Martial culmine dans cette pièce où l'auteur exploite en virtuose l'ambiguïté des formes non explicites de discours rapporté – mentions et discours au style direct libre – grâce auxquelles il se livre à un pastiche et à une mise à distance ironique des propos louangeurs du maître entiché de son animal de compagnie. Martial se rattache-t-il, en ce qui concerne ces animaux, à la tradition encomiastique ou à la tradition satirique ? Lui arrive-t-il de tourner en dérision des personnes réelles désignées par leur véritable nom ? Se permet-il, enfin, de porter sur ses protecteurs un regard critique ? Autant de questions de portée plus générale que met en jeu l'interprétation de cette épigramme.
Romain GARNIER. — Sur l'étymologie du nom de l'Averne (facilis descensus Auerno) (p. 99-111)
Dans cet article, on se propose d'étudier l'étymologie du nom de l'Averne. Il ne fait pas de doute que les Anciens y voyaient la désignation d'un marais méphitique, réputé infranchissable aux oiseaux (d'où le recours à un étymon grec ἄορνον). Le terme auernum semble un terme générique (noter Auerna loca chez Lucr. 6, 738) avant de désigner spécifiquement l'entrée des Enfers sise non loin de Cumes. Une nouvelle orientation étymologique consisterait à y voir un ancien adjectif spatial contrastif en -ernus (*-er-inó-). Le terme serait apparenté au véd. ávara- « inférieur ». On admettrait en ce cas un étymon it. com. *au̯-er-ino-, « inférieur ». Les loca auerna (sans majuscule) seraient des loca inferna.
Nicolas LÉVI. — Le De rerum natura de Lucrèce, ou la subversion épicurienne de la révélation pythagoricienne des Annales d'Ennius (p. 113-132)
Au livre I du De rerum natura (v. 112-126), Lucrèce fait allusion au prologue des Annales d'Ennius, où ce dernier faisait le récit d'un songe oraculaire au cours duquel l'ombre d'Homère lui apparaissait pour lui faire une révélation de nature pythagoricienne sur les secrets de l'âme et de l'univers. Cet article se propose de montrer que l'évocation qu'en fait Lucrèce, placée sous le double signe du rejet doctrinal et de l'admiration poétique, est le point de départ d'une dynamique qui traverse l'ensemble du De rerum natura : en effet, le poème philosophique de Lucrèce, tout en condamnant le pythagorisme sur la question de l'âme, subvertit son symbolisme religieux en le transposant vers la seule « révélation » authentique – celle de l'épicurisme – et vers le vrai dieu – Épicure.
Audrey MATHYS. — Deux adjectifs synonymes en grec : νεογνός et νεογῑλός ou νεογιλλός, « nouveau-né » (p. 133-146)
On réfute l'étymologie généralement admise qui pose un lien entre l'adjectif grec νεογιλ(λ)ός, « nourrisson, nouveau-né » et un verbe lituanien žindù, žísti, « sucer, téter ». Cette analyse se heurte en effet à des difficultés phonétiques (forme exacte de la racine et du suffixe), morphologiques (la présence d'une nasale dans l'ensemble du paradigme du verbe baltique) et sémantiques (la valeur de νεο- supposée ici est isolée en grec homérique, et l'évolution sémantique postulée est contestable). On propose d'expliquer cet adjectif à l'intérieur même du grec, en tenant compte des variations attestées dans son suffixe, comme un terme expressif ou familier sans doute formé par dissimilation sur l'adjectif νεογνός, qui a le même sens et dont l'ancienneté est assurée.
Javier VELAZA. — Servius et l'Histoire Auguste : un problème de datations en chaîne ? (p. 147-156)
Le propos de ce travail est d'analyser les questions de la datation de l'Histoire Auguste et de celle de Servius et la possibilité d'une dépendance réciproque.
ABSTRACTS
Eugenio AMATO. — Dione Cristostomo, or. LXXI (Sul filosofo) : prologo del perduto scritto Πρὸς Μουσώνιον ? (p. 7-16)
Generalmente considerata una dialexis parenetica di stampo moraleggiante, da datare all'epoca dell'esilio del proprio autore, il discorso 71 di Dione Crisostomo rappresenta in realtà un prologo (προλαλιάω) incompleto di un perduto discorso recitato dall'autore molto probabilmente nell'età di Vespasiano.
Dominique ARNOULD. — Euripides' prologues : about ληκύθιον ἀπώλεσεν (Aristophanes' Frogs, 1203 sq.) (p. 17-23)
By examining all the prologues of Euripides' plays, this paper shows that the poet is very fond of one metrical clausula, the lekythion (-u-u-u-). In the Frogs, Aristophanes points out, in some of Euripides' prologues, the places where this clausula is lacking, thus proving a contrario how the use of the lekythion clausula can be boring.
Michel CHRISTOL. — Dio Cassius' Excerpta Vaticana, Historia Augusta and Prefects of Praetorians' college (205-217) (p. 25-45)
After Plautianus'fall into disfavour, the praetorian prefecture wos once again organised as a college. A passage of the Excerpta Vaticana from Cassius Dio (77, 4, 1a = III, p. 376, l. 22-26 Boiss.) indicates that in 211 Valerius Patruinus stood at Papinianus' side and perished with him. The same piece of information can be found in the Augustan History, Carac., 4, 2. In early 212, they were replaced by Adventus and Macrinus, the last one holding the second place in this new college.
Charles DELATTRE. — The poetics of male¬volence : from ancient anthologies to Timon's Silli (p. 47-62)
Laughter is often seen as a spontaneous reaction. But from a pragmatic point of view, laughter can also be employed as a conscious strategy that aims to discredit an adversary. Used as a weapon by a master of language, be it a poet, a philosopher, etc., a nasty remark creates laughter in the audience, reinforcing the identity of the speaker while destroying his opponent. Anthologies of witticisms are often compiled ex post facto to create lists of mockeries and unite them without considering the context of their first utterance. On the other side, deprecating humour is sometimes the unifying theme of a text. With this in mind, we would like to reread the Silloi by Timon of Phlious, from a double perspective. The Silloi will be considered as a complete work composed by a sceptic who turns with polemical intentions to the resources of comic language, particularly nominal composition and play on words. We will also read the Silloi through the eyes of Diogenius Laertius, who read and mentioned them many times, and whose doxographical work can be considered a serious version of Timon's Silloi.
Maurizio DEL FREO. — Who was the e-qe-ta of the pa-ki-ja-ne cadastre ? (p. 63-69)
The total recorded for the e-qe-si-jo do-e-ro's o-na-ta (a sort of land allotment) in the land register of pa-ki-ja-ne is GRA 1 T 3 V4 (Ed 847), while the sum of the a-pi-me-de-o do-e-ro's o-na-ta adds up to GRA 1 T 1 (Ep 539.10-12). The discrepancy between the two figures would prevent from identifying the e-qe-ta with a-pi-me-de. A number of scholars, however, have tried to support such identification. In this paper it is tentatively suggested that the equation e-qe-ta = a-pi-me-de can receive further support from the fact that the Eb tablets corresponding to Ep 539.10-12 (Eb 1186, Eb 1187, Eb 1188) and the tablet Ed 847 have been found in the same find-spot.
Frédérique FLECK. — Eartial's Epigram I, 109 : an encomiastic or satirical poem ? (p. 71-97)
Is Martial's epigram 1.109 the encomium of a patron's pet dog, as it has been generally admitted ? It seems to us, on the contrary, that Martial's satirical genius reaches its highest point in this poem where the writer artistically plays with the ambiguous categories of reported discourse – free direct discourse and mentions – in order to write a pastiche of a master's praises for his pet which he presents with ironic distance. Are Martial's epigrams connected with the encomiastic or the satirical tradition concerning pets ? Does Martial sometimes mock real persons referred to by their own name ? And lastly, can he be critical of his patrons ? Such are the issues of wider scope at stake in the interpretation of this epigram.
Romain GARNIER. — Where the name of the Lacus Auernus comes from ? (facilis descensus Auerno) (p. 99-111)
The following paper intends to make an etymological study of the lacus Auernus. No doubt is left that Roman authors themselves would explain its name by a far-fetched folk-etymology, based upon a Greek compound ἄορνον whicht is almost certainly a ghost-word. This would refer to the lake being regarded as a noxious swamp, causing the death of anything flying over. In fact, Latin auernum seems to have been a generic name (Auerna loca is met with in Lucretius 6, 738), before meaning the entrance of the underworld near Cumæ. A new etymological orientation might be to explain this word as a former adjective ending in -ernus (*-er-inó-), with the well-known oppositional suffix *-ero-. Latin *auernus would eventually match with Vedic ávara- « lower ». Henceforth, one may assume a Com. Italic etymon *au̯-er-ino-, « lower ». The so-called loca auerna (without capital letter) would be nothing else but loca inferna.
Nicolas LEVI. — Lucretius' De rerum natura, or an Epicurean reversal of Ennius' Pythagorean revelation in his Annals (p. 113-132)
In the first book of his De rerum natura (v. 112-126), Lucretius alludes to the prologue of the Annals of Ennius, where the latter told an oracular dream during which Homer's shadow had appeared to him in order to reveal him, in accordance with Pythagorean tenets, the secrets of the soul and the universe. This article aims at showing that this allusion made by Lucretius, betraying both doctrinal rejection and poetic admiration, is the starting point of a dynamics working through the whole De rerum natura : Lucretius' philosophical poem, while condemning Pythagoreanism on the subject of the soul, subverts its religious symbolism by transposing it towards the only genuine « revelation » – that of Epicureanism – and towards the real god – Epicurus.
Audrey MATHYS. — Two synonymous adjectives : νεογνός and νεογῑλός/νεογιλλός (« new born ») (p. 133-146)
This paper refutes the hypothesis which links the Greek adjective νεογιλ(λ)ός, « newborn » with the Lithuanian verb žindù, žísti, « to suck (at one's mother's breast) ». This analysis confronts certain phonological and morphological difficulties : the phonological form of the root and the suffix is unclear and the presence of the nasal in the whole paradigm of the Baltic verb is unexplained. More importantly, this occurrence of νεο- in Homer is the only instance in composition which does not carry the meaning of « lately » and the alleged semantic evolution for the compound is unconvincing. Given the variations of its suffix, it is possible to explain νεογιλ(λ)ός as an expressive or familiar word, probably coined on a dissimilated form of the adjective νεογνός, which is synonymous with νεογιλ(λ)ός and has been proven to be ancient.
Javier VELAZA. — Servius and the Historia Augusta : A problem of interconnected datations ? (p. 147-156)
The aim of this work is to analyze the questions of the datation of the Historia Augusta and that of Servius and the possibility of a reciprocal dependence.